jueves, 1 de septiembre de 2022

Charles Baudelaire

Le reniement de Saint-Pierre

Qu’est-ce que Dieu fait donc de ce flot d’anathèmes
Qui monte tous les jours vers ses chers Séraphins ?
Comme un tyran gorgé de viande et de vins,
Il s’endort au doux bruit de nos affreux blasphèmes.
 
Les sanglots des martyrs et des suppliciés
Sont une symphonie enivrante sans doute,
Puisque, malgré le sang que leur volupté coûte,
Les cieux ne s’en sont point encore rassasiés !
 
Ah ! Jésus, souviens-toi du jardin des Olives !
Dans ta simplicité tu priais à genoux
Celui qui dans son ciel riait au bruit des clous
Que d’ignobles bourreaux plantaient dans tes chairs vives,
 
Lorsque tu vis cracher sur ta divinité
La crapule du corps de garde et des cuisines,
Et lorsque tu sentis s’enfoncer les épines
Dans ton crâne où vivait l’immense Humanité ;
 
Quand de ton corps brisé la pesanteur horrible
Allongeait tes deux bras distendus, que ton sang
Et ta sueur coulaient de ton front pâlissant,
Quand tu fus devant tous posé comme une cible,
 
Rêvais-tu de ces jours si brillants et si beaux
Où tu vins pour remplir l’éternelle promesse,
Où tu foulais, monté sur une douce ânesse,
Des chemins tout jonchés de fleurs et de rameaux,
 
Où, le coeur tout gonflé d’espoir et de vaillance,
Tu fouettais tous ces vils marchands à tour de bras,
Où tu fus maître enfin ? Le remords n’a-t-il pas
Pénétré dans ton flanc plus avant que la lance ?
 
– Certes, je sortirai, quant à moi, satisfait
D’un monde où l’action n’est pas la soeur du rêve ;
Puissé-je user du glaive et périr par le glaive !
Saint Pierre a renié Jésus… il a bien fait.




La negación de San Pedro , Caravaggio





LA NEGACIÓN DE SAN PEDRO

¿Qué hace Dios entonces de esa ola de anatemas
que sube cada día hacia sus Serafines?
Como un tirano ahíto de carnes y de vinos
Lo acuna el dulce ruido de horrorosas blasfemias.

Los sollozos de mártires y los de ajusticiados
Son una sinfonía sin duda embriagadora,
Y a pesar de la sangre que voluptuosos cuestan,
¡Los cielos no se encuentran todavía saciados!

–¡No olvides, Jesús, al Huerto de los Olivos!
En tu simplicidad orabas de rodillas
A quien reía en su cielo del ruido de los clavos
Que verdugos innobles plantaban en tus carnes,

Cuando viste escupir en tu divinidad
La crápula del cuerpo de guardia y las cocinas,
Y en tu cráneo sentiste hundirse las espinas,
Allí donde vivía la inmensa Humanidad;

Cuando tu cuerpo roto con pesadez horrible
Tus dos brazos tendidos alargaba, y tu sangre
Y tu sudor corrían de tu pálida frente,
Cuando ante todos fuiste posado como un blanco,

¿Soñabas en los días tan brillantes y bellos
En que a colmar viniste tú la eterna promesa,
Cuando a pisar llegaste, sobre un dulce borrico,
Los caminos sembrados de flores y de ramos,

Cuando, colmado el pecho de esperanza y valor,
Azotabas los viles mercaderes con fuerza,
¿Siendo maestro al fin? ¿No fue el remordimiento
El que entró a tu costado mucho antes que la lanza?

–Por cierto, yo saldré, para mí, satisfecho
de un mundo en que la acción no es la hermana del sueño;
¡Poder usar la espada y morir por la espada!
San Pedro renegó de Jesús... ¡hizo bien!

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