viernes, 6 de mayo de 2022

Carles Baudelaire

LA BELLEZA

Yo soy Bella, oh mortales! como un sueño de piedra,
y mi seno que a todos eternamente torturó,
ha sido creado para inspirar amor a los poetas.

Eterna e incólumne, como la materia.
Incomprendida esfinge, reino en azul;
El níveo corazón junto a la blancura del cisne;
detesto el movimiento que desplaza las líneas.

Yo jamás lloré, como tampoco jamás reí.
Los poetas, ante mis gestos altivos,
Que recuerdan antiguos monumentos,
consumen sus días en penosa labor.

Que para fascinar a estos dóciles amantes
Tengo puros espejos que embellecen las cosas:
Mis ojos, mis dos enormes pozos de eternidad.






LA BEAUTÉ

Je suis belle, ô mortels! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s’est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour

Eternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l’azur comme un sphinx incompris;
J’unis un coeur de neige à la blancheur des cygnes;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,

Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j’ai l’air d’emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d’austères études;

Car j’ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles:
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles!


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